Tout près de l’étang de Lers, en Ariège, plusieurs personnes s’équipent de combinaisons et de casques au bord de la route. Des spéléologues du Haut-Sabarthès et des géologues venus de toute la France, de Slovaquie et des États-Unis, se sont donné rendez-vous, ce matin-là, pour une grande première : une expédition scientifique dans le gouffre Georges.
Photo 3D avec un outil laser
«Chacun aura une tâche spécifique. Certains feront de la photo 3D avec un outil laser, et d’autres, des géologues, étudieront les contacts entre les deux types de roches présentes ici : les lherzolites, qui sont des roches du manteau, et les marbres, explique Éric Ferré, professeur au département de géologie de l’université de Louisiane, à Lafayette, aux États-Unis. Le gouffre Georges est le seul endroit où l’on peut voir ça. Il constitue un enregistrement unique de la manière dont se sont formées les Pyrénées, et au-delà, de comment les continents bougent sans magma pour fondre la roche. C’est une tectonique différente, avec moins de chaleur».
Après quelques minutes d’ascension sur les pentes du mont Béas, dit «La Pique», le groupe arrive à l’entrée d’un tube d’un mètre de diamètre, installé en 1986 par Robert Guinot et le Spéléo Club du Haut-Sabarthès : «C’est une entrée majeure pour accéder au réseau du gouffre, car elle nous permet d’arriver sur les parties remarquables du site, comme la salle de la famine, très rapidement», explique le président du club, qui se félicite de la tenue de cette expédition. «Nous avons la chance d’encadrer une équipe de géologues, et avec eux, de comprendre les curiosités de ce massif. C’est une grande première, et on espère une suite avec des publications et une étude sérieuse sur le massif», confie le spéléologue. Sans ce dernier, Riccardo Asti, géologue et chercheur à l’université de Rennes 1, n’aurait pas pu prendre part à l’aventure : «On a pu très bien travailler même si certains, comme moi, n’avaient aucune expérience en spéléo. Samedi, c’était la première fois qu’on descendait dans le gouffre. C’était très excitant. On commence à voir des structures liées à la remontée du manteau des profondeurs de la Terre jusqu’ici. C’est une étude assez prometteuse», se réjouit le scientifique.
Huit heures sous terre
L’heure de quitter la surface sonne pour l’équipe. C’est parti pour environ huit heures sous terre, par une température de 5 °C et une pente à 45°, à 190 mètres de profondeur. Un par un, un pied après l’autre sur la petite échelle, les mains serrées autour de la corde, spéléologues et géologues s’engouffrent dans l’étroit tube, duquel s’échappe un fort courant d’air froid. À leur remontée, et après plusieurs mois d’analyse des échantillons recueillis, les scientifiques feront, peut-être, faire avancer d’un grand pas les sciences de la Terre.